Discours – Ordre national du Mérite – Natacha Quester-Séméon
La remise de cette décoration a été effectuée par Jean-Michel Blanquer, officier de la Légion d’honneur.
Paris, 18 novembre, Café de Flore.
Chère Tatiana,
Cher Jean-Michel,
Chers amis
Chère famille,
Recevoir aujourd’hui cette distinction est un immense honneur. Et — sans fausse modestie — je suis très fière d’être chevalière, et de recevoir cette décoration de tes mains, très cher Jean-Michel, au nom des valeurs que nous portons tous ensemble, famille et amis de #JamaisSansElles.
Mon parcours d’engagée, je le dois à Tatiana. Elle qui a toujours refusé toutes les décorations, « les médailles en chocolat » comme elle les appelle. Alors si j’ai accepté cette décoration que je reçois aujourd’hui, c’est aussi pour saluer son parcours et son action.
C’est par l’ami Guillaume Gomez que j’ai appris que j’étais nommée à l’ordre du mérite, il m’a envoyé un message qui disait : « félicitations madame la chevalière ». Convaincue qu’il écrivait à quelqu’un d’autre, je lui ai répondu « non, je ne crois pas non » avec un emoji qui rigole !
Mais en fait si ! Sur proposition du ministère de l’Économie avec lequel #JamaisSansElles collabore (merci aux ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure), et dans le Journal Officiel, il a été considéré 30 ans de service et donc mon engagement humaniste dès l’adolescence avec les Humains Associés bien avant #JamaisSansElles !
Tout a commencé très jeune donc. Je me suis toujours sentie concernée, et je savais, parce que je l’ai vu, qu’il était possible d’agir dans le réel en incarnant ses valeurs : pour l’humanisme, l’égalité, la fraternité humaine, pour l’écologie. J’étais aussi plus que déterminée pour me mettre au service de ces idées.
J’avais grandi avec une aspiration universaliste.
À la maison, la Déclaration des Droits de l’Homme avait été accrochée au mur par Tatiana.
Elle commence par ces mots qui ont résonné en moi :
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».
Je vais donc revenir sur quelques moments de “mes années de services” entre guillemets.
Une enfance d’ouverture et d’action
Je suis née à Paris, mais mon histoire commence vraiment dans la magnifique ville de Rio, au Brésil, où mes parents se sont rencontrés à la fin de l’époque hippie.
Ma mère, Tatiana, brésilienne-russe, artiste, intellectuelle libre, muse hippie ;
mon père, Jacques, Français, moitié russe, ex-cadre devenu artiste sculpteur.
Le Brésil vivait alors sous la dictature militaire. Mes parents ont choisi de faire un voyage en France. Tatiana n’avait rien dans les mains, rien dans les poches comme disait Ferré : tout dans la tête et dans le cœur !
Tatiana a posé ses rêves à Saint-Germain-des-Prés, son Paris mythique, celui des poètes et des penseurs et de l’engagement humaniste.
Elle y a trouvé une famille : celle de la France des Lumières. Elle a posé donc ici définitivement sa valise. Elle est devenue française, elle adore la France et sa beauté !
Tatiana parlait de responsabilité. Responsabilité — envers les autres, envers la Terre, envers la vie. Nous étions dans une cordée.
« On est ce que l’on fait », nous disait-elle à mon frère, Sacha, et à moi. Nous avons eu une éducation hors norme ! Elle nous disait qu’il fallait apprendre à apprendre. Avec Sacha, on ne s’ennuyait jamais, on apprenait tout le temps ! Et on apprend encore tout le temps !
Je suivais partout ma jeune mère qui était révoltée contre les injustices : dès l’enfance, je mettais la main à la pâte, collages d’affiches, manifs, sit-ins, on s’est même enchaînés à des arbres pour éviter leur arrachage. J’assistais aux réunions dans un coin, j’écoutais beaucoup. C’était une école de l’action, du collectif dans la joie.

Sur l’invitation d’aujourd’hui, la photo de moi enfant en est l’illustration !
C’était lors de la première “Journée internationale des droits des femmes” en France, à l’initiative d’Yvette Roudy. J’étais avec Tatiana ; j’étais trop petite pour marcher longtemps, alors son amie qui nous accompagnait m’a prise sur ses épaules — nous formions un très joli trio. C’est sans doute pour cela qu’un photographe nous a immortalisées ainsi !
Notre famille avait toute une constellation d’amis gays (des garçons au féminin, des filles au masculin). L’homosexualité venait d’être dépénalisée grâce à Badinter.
Cette journée du 8 mars, c’était la fête, la joie de la liberté ! Tous égaux ! Nous avions défilé, puis nous étions rentrées à la Mutualité écouter un concert de Maria Betânia, chanteuse brésilienne.
C’était archi-bondé, en pleine effervescence féministe ! À tel point que des copains de ma mère s’étaient habillés en femmes pour essayer d’entrer écouter la grande Maria !
Quelques temps plus tard, à notre grande surprise, Le Nouvel Observateur a utilisé cette photo pour illustrer un article… sur les féministes !
Puis Tatiana a fondé sa propre association avec quelques amis, Les Humains Associés, une association humaniste et écologiste avec des hommes et des femmes qui a rencontré un immense succès, les gens venaient à elle.
Son approche n’était pas révolutionnaire, mais évolutionnaire : un travail patient pour faire progresser la conscience humaine. Elle appelait chacun à penser par soi-même ! A l’époque des “grands maîtres à penser”
Elle a créé des campagnes d’affiches humanistes sans un kopeck avec l’aide de Séguéla, de Daniel Robert et Perrine de Sentenac, et organisé d’immenses rassemblement. Tout était basé sur la gracieuseté, elle ne disait pas gratuité ! C’était totalement disruptif dans ces années frics.
Les Humains Associés comptait 10 000 sympathisants, selon la police. Cette indépendance ne plaisait pas du tout à François Mitterrand, pendant que lui montait, SOS Racisme.
À la maison, c’était une ruche avec des visiteurs en permanence, un grand brassage, du matin au soir. On parlait politique, sciences, métaphysique, arts, aussi écologie et même informatique. La porte était toujours ouverte, c’était une maison vivante, un laboratoire d’idées.
À table, il y avait toujours une place pour le voyageur, « le Juif errant » et parfois un coin pour dormir. C’était comme chez le cher André Glucksmann… notre maison bleue à nous.
J’ai grandi dans cette effervescence, entourée de penseurs, d’artistes, de dessinateurs, de scientifiques : Michel Cassé, Jean Baudrillard, Idries Shah, Jean-Louis Aubert (qui préparait son album “H” – comme humains associés – dans notre salon), Joël de Rosnay, Jean-François Bizot et la bande d’ACTUEL, Mœbius (qui dessinait parfois à la maison), Thérèse de Saint-Phalle, mes très chers et regrettés oncles, Grishka et Igor Bogdanoff, qui, avec Tatiana formaient un trio incandescent… et bien sûr Jean-Michel et Jean Mulatier.
Un monde où l’on parlait aussi bien de cosmos que du futur de l’humanité.
Tatiana nous parlait aussi de l’écologie spirituelle issue de la contre-culture et du poète Walt Whitman (l’être humain n’est pas séparé de la nature) ! (Elle cite toujours : Est-ce que je me contredis ? Très bien donc, je me contredis. Je suis vaste, je contiens des multitudes ») Elle a d’ailleurs participé à l’arrivée en France du « Jour de la Terre » qui réunissait dans ses plus belles années 4 000 associations dans tout le pays. Ce mouvement était plus puissant que les Verts à l’époque !
C’était un tel froissement qu’un jour, un Russe est venu rendre visite plusieurs fois à Tatiana pour proposer aux Humains Associés, un grand projet humaniste international. Il voulait rencontrer les principales figures de son mouvement. Il posait plein de questions. Puis, il a disparu du jour au lendemain, son numéro ne répondait plus. Quelques temps après, on a appris par un ami journaliste que c’était en réalité un agent du KGB venu enquêter sur elle !
Quelques années plus tard, à Monaco, nous avons participé au premier colloque sur l’éthique de l’information et d’Internet, organisé par l’Unesco, c’était le premier. Cette fois, c’est un agent des services américains qui nous avait suivi de près ! Mais c’est une autre histoire… Je ne vais pas vous assommer avec un discours d’une heure !
Souvenirs fondateurs
J’ai adoré l’engagement, cela ne m’a jamais quitté ! Quand j’étais adolescente, les amis disaient : « tu es tombée dans la marmite de la potion magique quand tu étais petite ».
J’étais admirative de ma mère ! Trop admirative à son goût ! Une mère adorable qui nous a élevés toute seule, ma super woman ! Elle ne voulait surtout pas que je grandisse dans son ombre, mais que je trouve ma place et que j’existe par moi-même. Alors un jour, elle a voulu me donner confiance pour que je commence à développer mon potentiel.
Première expérience enfant. Un soir, Tatiana doit présenter sur France Inter l’opération « L’homme est unique, ne le gâchons ! » — une campagne d’affichage sur 1 000 panneaux 4x3m dans tout Paris et la région parisienne. La campagne ne vendait rien et était entièrement gratuite — c’était une première !
Cette prise de parole était très importante. Je suis dans les coulisses de la radio.
À la dernière minute, Tatiana me dit :
— « Et si c’était toi qui parlais ? »
L’animateur, Jacques Pradel, accepte (je ne sais toujours pas pourquoi) que je prenne la place de Tatiana au micro.
Et me voilà, assise face au micro, mes pieds ne touchant même pas le sol, à parler en direct dans le grand studio avec du public à une heure de grande écoute. Je tremblais comme une feuille.
Quelques jours plus tard, des sacs entiers de lettres sont arrivés de plusieurs pays.
C’est à ce moment-là que j’ai compris la force du message humaniste que Tatiana portait.
Et je n’ai plus jamais eu le trac ! Et je n’ai plus jamais arrêté de parler !
Même époque, deuxième expérience marquante : le bicentenaire de la Révolution française.
Jean-Michel — avec François Baroin et Richard Senghor — lance une initiative audacieuse : créer une association de jeunes chargée de rédiger une nouvelle déclaration des droits, adaptée aux enjeux contemporains. Tatiana en est la marraine. J’étais la benjamine de cette aventure, la seule enfant au milieu d’une bande d’étudiants.
Le 26 août 1989, jour anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme, une grande cérémonie commémorative est organisée au sommet de l’Arche de la Défense. C’est en direct sur Antenne 2, en prime time (voir vidéo en bas de la page). Quinze étudiants de plusieurs pays lisent la nouvelle déclaration, et Jean-Michel me propose de lire l’article sur les droits de l’enfant. J’y mets tout mon cœur !
À la fin, nous devions retrouver le président Mitterrand.
Mais le massacre de la place Tian’anmen venait d’avoir lieu. Avec Tatiana et Jean-Michel, j’avais manifesté à plusieurs reprises pour soutenir ces étudiants qui rêvaient de liberté. Et la France continuait activement le commerce avec la Chine.
Au moment où tout le groupe d’AD 89 s’avance pour saluer un Mitterrand ravi, je ne suis pas le mouvement : je refuse de lui serrer la main (à cet âge-là, je ne connaissais pas encore la realpolitik !). Ce fut ma première résistance silencieuse. J’étais déjà très déterminée.
Puis le mur de Berlin tombe.
Et puis quelques années plus tard, une révolution vraie arrive, la révolution technologique.
Un jour de 1994, Philippe Quéau, alors directeur de recherche de l’INA et membre des Humains Associés, nous propose de créer un site Web pour l’association sur le serveur de l’INA qu’il vient de créer. Internet est totalement — mais totalement — inconnu ! Mais nous étions déjà connectés !
Tatiana dit OK, elle la littéraire qui n’aime pas les ordinateurs.
Et elle nous confia le projet, à Sacha et à moi.
Philippe remet au petit Sacha, déjà geek, vingt pages imprimées qui décrivent le langage HTML… Que Sacha a appris tout seul !
Et voilà comment nous avons plongé dans le numérique ! Cela allait changer notre vie !
Nous créons ainsi un site répertorié comme l’un des 10 000 premiers sites Web de l’Histoire. Le premier site d’une association française !
Pour le mettre à jour, il fallait apporter… une disquette, à l’INA, à Bry-sur-Marne !
Nous rêvions d’un Internet ouvert, libre, gratuit au service du savoir et de la culture.
L’ère des pionniers et de l’utopie.
Dès lors, nous avons passé notre temps à expliquer Internet et à faire des démos à tout le monde et partout en France.
Au point que Jean Baudrillard, en me croisant à la maison, ne faisait plus que répéter avec un sourire moqueur : — « Internet, Internet, Internet ! »
Il avait raison : nous étions convaincus que le Web allait changer le monde, en reliant les consciences.
Nous voulions proposer l’humanisme à l’ère numérique, et nous avions appelé cela le cyberhumanisme ! Notre forum du même nom a rassemblé une vaste communauté qui nous a permis d’étendre encore nos connexions et notre impact.
J’ai commencé à travailler à 16 ans. Tatiana m’a appris le journalisme et aux côtés de toutes les grandes signatures qu’elle a fait intervenir dans la Revue des Humains Associés, puis elle m’a prise comme assistante quand elle était productrice de télévision pour Arte, et je suis devenue peu après journaliste tech pour la presse écrite. Quelques années plus tard, je suis devenue entrepreneure, en créant avec Sacha une agence de contenus et contenants web.
Les années 2000 arrivent, le monde ne s’est pas arrêté, le grand bug informatique n’a finalement pas eu lieu…
Mais d’autres bugs surviennent et le monde bascule :
Le 11 septembre.
Le Pen au second tour,
La deuxième Intifada.
Lors d’une manifestation contre la guerre en Irak, j’entends tout près de nous :
— « Juif = nazi ! »
Cette inversion me glace (Nora Bussigny n’est pas encore là pour la documenter !).
C’est là que j’ai pris conscience de nos origines.
Parce que… Salomon, vous êtes juifs ?
Oui, nous le sommes, des deux côtés.
Des familles ayant fui les pogroms en Ukraine.
Des noms changés, transformés :
Salomon devient Faria au Brésil, Siméon devient Séméon en France…
puis « Quester » ajouté sous Vichy pour mieux brouiller les pistes.
En France en 2002, un nouvel antisémitisme se développe déjà au grand jour. C’était un choc, une prise de conscience profonde du danger.
Puis sont venus :
— les attentats islamistes :
— ceux de Toulouse,
— ceux de janvier et de novembre 2015,
— l’assassinat de Samuel Paty,
— et vingt ans plus tard, le pogrom du 7 octobre.
Inimaginable, inimaginable — et pourtant, c’est arrivé.
Mais en 2002, cet incident n’a pas arrêté notre élan.
Face à la menace d’une guerre sans fin en Irak, une vague de contestation mondiale se lève. Le Président Chirac s’y oppose, conscient des dangers.
Avec Tatiana, nous lançons un site Internet : « Pax Humana » — qui devient en quelques jours la plateforme centrale, en France, du mouvement “Peace/PACE”, avec des relais militants dans 50 villes. Je programme le site, il est traduit en trois langues.
Au niveau mondial, c’est un mouvement sans leader, une constellation citoyenne.
Le 15 février 2003 aura lieu la plus grande mobilisation de l’histoire — 15 millions de personnes dans plus de 600 villes dans le monde.
Et nous organisons un concert gratuit exceptionnel pour la Paix, en quelques jours dans des conditions folles. Tatiana obtient l’accord de son ami le cardinal Lustiger ; trois jours plus tard, 150 musiciens jouent bénévolement devant plus de 3 000 personnes à Notre-Dame de Paris !
Un moment de communion magnifique… deux jours avant le début de la guerre !
Des anecdotes j’en ai beaucoup. Trop, même !
Si je partage tout ceci avec vous, c’est pour souligner que la création de #JamaisSansElles s’ancre dans cette histoire et dans celle de l’Internet citoyen et politique.
Une nouvelle étape arrive en 2005, avec le “non” au référendum et le succès de sa campagne sur Internet à contre-courant des médias et des partis politiques. L’Internet politique explose : les blogs surgissent, les forums bouillonnent, tout se transforme à une vitesse incroyable.
Avec Sacha, nous avons vécu une expérience unique grâce à notre blog Mémoire-Vive. C’était un vidéo-blog que nous avions créé la même année que celle de la création de YouTube, juste avant le boom des blogs, juste avant l’arrivée des réseaux sociaux.
Toutes nos vidéos étaient tournées avec des téléphones portables, c’était le premier du genre au monde ! Mémoire Vive était alors un vrai laboratoire : pressentant que les blogs et les smartphones allaient révolutionner la production et la consommation d’information, et donc la démocratie, nous avons voulu expérimenter nous-mêmes ces outils et interroger les politiques et les journalistes sur cette nouvelle ère. C’est comme ça que nous avons rencontré de nouveaux amis : Laurence Parisot, Benoît Thieulin, Sylvain Attal !
Sacha et moi faisions tout à deux : écrire, filmer, publier immédiatement… toujours dans un esprit pionnier et humaniste.
À l’époque, les blogs étaient la grande nouveauté, la blogosphère avait alors un vrai poids dans le débat public. Cela bousculait tout le monde, y compris les médias.
Nous, les premiers influenceurs citoyens, nous voulions bousculer l’ancien monde !
La société civile prenait du poids et elle pouvait contribuer au paysage politique. (Pour le meilleur, et plus tard, on le découvrira aussi, pour le pire !)
Très vite, notre blog a été parmi ceux qui comptaient et lors de la campagne présidentielle de 2007 nous avons été parmi les premiers blogueurs accrédités Presse par des partis politiques — au même titre que tous les grands médias.
Nous avons pu alors vivre la présidentielle de 2007 de l’intérieur, nous avons été les premiers à faire du live avec un téléphone mobile depuis des meetings de Ségolène Royal, François Bayrou et Nicolas Sarkozy ! Une expérience incroyable ! C’était tellement novateur que nous avons été suivis par des journalistes TV internationaux et nous nous sommes retrouvés dans un documentaire ! Une époque intense et inventive…
Girl Power 3.0 → #JamaisSansElles
J’ai toujours vu Tatiana défendre ses idées et ses projets dans des milieux très masculins. Elle est d’une lignée de femmes entrepreneures qui n’ont eu d’autre choix que de se battre seules.
Tatiana était la seule présidente d’association au milieu de présidents, les French Doctors (Xavier Emmanuelli et Bernard Kouchner), et les nouveaux philosophes (Glucks, BHL). Bref, c’était un sacré boy’s club !
Dans le numérique, c’était pareil : j’étais la seule femme — parfois nous étions deux. Mais je n’avais aucune envie de devenir la “reine des abeilles”.
Ce que je voulais, c’était que nous avancions collectivement, face aussi à tous ces hommes qui voulaient garder le pouvoir (économique ou politique) en excluant les autres.
Plutôt que de revendiquer, il faut prendre la parole, se faire sa place avec nos talents et nos compétences !
Alors, nous avons fondé Girl Power 3.0 en 2006, le premier club des femmes du numérique pour nous renforcer les unes les autres. Nous étions toute une belle bande avec de superbes talents comme nos amies Sophie Viger et Catherine Barba.
Avec toutes ces expériences, nous savions que le numérique pouvait être un levier pour agir, pour créer des mouvements sur le terrain et avoir de l’impact.
Et c’est comme ça qu’un jour est né le mouvement #JamaisSansElles. C’était il y a tout juste 10 ans !
Vous connaissez l’histoire : une idée, un hashtag, un appel paru dans le Point, et BOUM !
Nous promouvons une société plus équilibrée, où les hommes peuvent s’engager en faveur de l’égalité pour que les femmes trouvent leur juste place. Pour agir ensemble, nous réconcilier !
Nous avons eu l’idée, Tatiana, Guy Mamou-Mani et moi, de proposer aux dirigeants masculins de nous rejoindre pour s’engager en faveur de la mixité et de refuser de participer à des événements non mixte.
Il y avait bien sûr Jean-Michel et Etienne Parizot, Sacha Quester-Séméon, les amis Gentlemen David-Hervé Boutin, Guillaume Gomez, David Martinon, Stanislas Pottier, Guillaume Grallet, Olivier Mousson, Jean-Paul Lilienfeld, Henri Verdier… Nous étions 30 à partager les mêmes valeurs humanistes et la volonté d’agir. À dire, notre féminisme est un humanisme !
Avec un énorme buzz aussi inattendu que spontané, #JamaisSansElles a explosé ! Des millions de personnes ont vus le hashtag. Alors nous avons créé l’association — à partir de rien, et sans moyen !
Puis, des partenaires nous ont rejoints : entreprises, puis institutions. Ils nous ont poussé à innover, à développer nos compétences. Grâce à eux nous avons créé une méthode et un outil : la Charte #JamaisSansElles, et sommes devenus un acteur incontournable dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes. Qui l’eût cru ? (à part Tatiana, bien évidemment ! ;))
Aujourd’hui, 10 ans après, nous avons construit un grand mouvement : il y a une 3 000 dirigeants signataires dans 50 pays ; une quinzaine de chartes d’engagements sont appliquées dans la durée par des entreprises et administrations. Mais je ne vais pas vous faire le catalogue des réussites et des actions de #JamaisSansElles…
Il y a aussi les amies du conseil féminin, Laurence Parisot et les talents fantastiques : nos amies diplomates : Pauline Carmona, Muriel Domenach, les amies du numérique Cathy Barba et Sophie Viger bien sûr, la générale Chantal Roche, la générale Karine Lejeune, Marie-Anne Barbat-Layani !
Tous ensemble nous avons créé une digue universaliste dans le monde professionnel français. Car l’union est notre force !
Merci, d’ailleurs, aux entreprises qui nous soutiennent ! (notamment BNP et SAP depuis plus de 5 ans).
Merci aussi aux administrations qui se sont engagés pour appliquer les principes de nos chartes ! Jean-Michel a ouvert la voie avec le ministère de l’Éducation, puis Bruno Le Maire pour l’Économie, et depuis septembre Anne-Marie Descôtes et le ministère des Affaires étrangères. (Je salue Claude Roiron, Jean-Pierre Asvazadourian, Laetitia Pierrat)
Là aussi, je pourrais raconter des anecdotes qui nous sont arrivés en France, en Allemagne, au Portugal, Etats-Unis, et même au Danemark. Mais ça serait beaucoup trop long.

Nous avons créé aussi une journée #JamaisSansElles nationale dans les écoles pour et avec les jeunes ! L’année prochaine, cette journée devient internationale avec le Quai d’Orsay ! Ça sera l’année de nos 10 ans.
Enfin, depuis quelques années, nous avons un Pôle étudiants, avec des relais dans une trentaine d’écoles pour que des associations soient plus mixtes et appliquent la charte. Ils font aussi de la sensibilisation dans les écoles. Et nos jeunes sont enthousiastes ! Je salue nos jeunes ambassadeurs Marie Trüb et Alix Poncet !
Aujourd’hui, alors que les hommes et les femmes tendent encore à se diviser, que les jeunes se radicalisent, que les forces régressives sont à l’œuvre, que la laïcité recule, il faut se battre pour créer des liens, se rencontrer, échanger !
On nous parle de déclin, de division, de haine, de violence : il faut reparler de la nécessité d’aimer l’humanité !
Ce qui compte, ce n’est que l’humain, et encore plus dans un monde traversé par plusieurs crises simultanées, et l’arrivée de l’intelligence artificielel ! Cette période est à la fois angoissante et extraordinaire !
« L’homme nouveau est déjà là, et l’ancien fait ses derniers pas » chante Hugo Jardin !
Notre défi est la transmission ! Encourager la prochaine génération de leaders, femmes et hommes ! J’ai eu la chance que l’on me fasse confiance et que l’on m’aide à grandir. Je suis maintenant soucieuse de la relève !
Pour le futur, nous souhaitons avec Tatiana que #JamaisSansElles devienne un mouvement universaliste mondial ! Sky’s the limit !!!!
J’ai entendu Jean-Marie Lustiger raconter la parabole des talents que j’aime beaucoup.
Ayons le courage de nous mettre en mouvement et faire fructifier les talents qui nous ont été donnés, ce qui est vivant en nous. Développons aussi la conscience qui nous permet de les mettre au service de tous.
Nous sommes tous frères et sœurs : l’humanité forme une seule famille, la famille humaine. Nous, la Terre, comme tout ce qui existe, sommes faits de la même substance, matière qui est énergie.
Merci à ma famille, le kibboutz Salomon (Tatiana, Sacha, incroyable compagnon de route, Etienne, Hugo, je vous adore). Merci à vous ! Merci.
J’ai une pensée pour les absents, mon père Jacques qui s’est envolé l’année dernière et pour l’extraordinaire Docteur Xavier Emmanuelli qui dimanche matin a rejoint ses amis les anges. Nous aurions tellement aimé que tu sois là en présentiel Xavier ! N’est-ce pas chère Suzanne Tartière.
#JamaisSansElles, #JamaisSansEux, #JamaisSansVous !
Et Jamais Sans toi tatiana, maman !
Vive l’humanité, vive la vie !
NB : Vous ne trouverez aucune trace des informations concernant Les Humains Associés ou #JamaisSansElles sur Wikipédia : Tatiana et moi en avons été effacées en 2007, à la suite d’un raid coordonné. L’administratrice principale et les contributeurs votants de l’époque ont affirmé qu’il n’existait aucune preuve permettant d’établir la réalité de nos actions. C’est ainsi que nous avons disparues de l’encyclopédie — mais pas de la réalité.
*Au Parlement européen à Strasbourg, avec 500 jeunes venus de quatre-vingts pays, nous avons travaillé à actualiser la Déclaration de 1789, c’était l’initiative d’AD 89. (Nous voici 30 ans après)